©Paco Dècina
La création artistique est pour moi, aujourd'hui, une démarche, une attitude corporelle, une nouvelle façon de voir et d'appréhender le monde par le biais du corps et du mouvement.
Loin d'être une construction dramaturgique autour d'un thème, d'une idée ou d'une fiction, ma préoccupation s'oriente de plus en plus vers un travail de déconstruction et d'effacement de tous ces éléments de la mémoire qui font se rétrécir l'espace du regard.
En tamoul, langue du Tamil Nadu, Etat de I'Inde du Sud, "Summa iru" signifie "rester tranquille : il n'y a rien à faire...!". Loin d'être une renonciation au monde, cette formule pédagogique, utilisée par les maîtres du Vedanta, invite le chercheur à actualiser un "lâcher-prise" du regard, pour que l'espace relationnel qui nous entoure puisse se révéler un champ de forces libres, se déployant au-delà de toute projection personnelle. Dans cette transmutation du regard, qui nous change de sujet en témoin, de corps dansant en interprète, nous ne sommes plus que "Mouvement" au service d'une dramaturgie du Vide, là ou tout agencement est potentiellement présent.
Pour préserver cette possibilité d'être, propre au mouvement dansé, le danseur, le chorégraphe et le spectateur doivent s'oublier pour devenir le mouvement même. Alors les mises en jeu, les interrogations et les réponses de leurs propres mémoires façonneront les différentes dramaturgies de l'œuvre.
Quand l'écoute du vécu corporel, pris comme l'expérience et l'expression sensible du Vide, coïncide avec le mouvement en train de se faire, l'œuvre chorégraphique s'achève... Summa lru est un lieu d'apaisement du corps, une machine scènique et dramaturgique pour capter et "remonter" le mouvement, jusqu'à sa source, là où, de l'abandon, naît la danse. Libre de tout effet spectaculaire et scénographique, l'attention du spectateur est guidée, par le vécu de l'interprète et la tension du mouvement, vers une contemplation du silence.