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Indigo

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"Indigo: un chef-d'oeuvre de Paco Dècina et Winter Family à Limoges (Danse Émoi)"
Laurent Bourdelas, écrivain, RCF, samedi 2 février 2008

Bien entendu, il y a le « discours »du chorégraphe qui peut accompagner sa création ; c'est légitime et l'art contemporain aime le logos. Pour lui, Indigo c'est : « une fréquence, une vitesse, un plan, une densité, un espace, une qualité de regard, un seuil de sensibilité, une matrice colorante, une vibration chromatique, un état d'âme qui métamorphoserait la masse des corps dansants en les rythmant avec ses propres fréquences. Indigo, c'est la couleur profonde de la nuit quand celle-ci se prépare déjà secrètement à se teinter de pourpre… » Il a raison, c'est bien tout cela, et c'est un préalable. Pour moi, il s'agit d'un chef-d'œuvre chorégraphique collectif, émanant d'une rencontre formidable : celle du chorégraphe et danseur, celle des danseurs de sa Compagnie Post-Retroguardia et de Winter family : Ruth Rosenthal et sa superbe voix, Xavier Klaine, compositeur, pianiste, joueur d'harmonium, accompagnés pour l'occasion par six autres musiciens. Rencontre dans la lumière (Laurent Schneegans): « C'est cet aspect révélateur de la lumière que je retrouve dans la danse et que j'ai envie d'interroger », précise Dècina. Rencontre dans un territoire préalablement défini : tapis de danse blanc, ouverture 12 mètres, profondeur 10 mètres, pendrillonnage à l'Italienne avec fond noir non plissé si possible… Intuition, mémoire, lumière, danse, nourrissent alors de leur entremêlement la chorégraphie virtuose de Valeria Apicella, Orin Camus, Paco Dècina, Carlo Locatelli, Noriko Matsuyama et Takashi Ueno. Leurs gestes sont beaux, harmonieux, précis, tout de force retenue, d'esthétique puissance ; frôlements, portés, courses, dans l'espace ou au sol… seuls, en couples multiples et divers ou en groupes. Ils dansent magnifiquement, ils sont accompagnés par une véritable création musicale et vocale, en anglais – un anglais accentué – et en hébreu, répétitive et belle, qui nous rappelle les plus grand(e)s interprètes de la musique gothique. Le chant (interprété lui-même de manière physique, comme le jeu des instruments) se fait ici poésie sonore, psaume, cantique. Il semble aussi dire la rencontre des hommes et des femmes, l'important et l'inoublié. Ruth Rosenthal et Xavier Klaine ont donné vie à la Winter family à Jaffa en 2004, ils se produisent régulièrement dans les églises, les cryptes, et les lieux de la culture contemporaine, ils réinventent ici une langue biblique et post-biblique, la tentation, peut-être de retrouver l'Eden après Auschwitz.

Cette rencontre ne saurait exister sans celle avec le spectateur qui interprète et se laisse porter par tant de grâce, jusqu'à penser qu'il n'est pas loin du bonheur. Paco Dècina est un méditerranéen, un napolitain des terrasses de Chiaja, qui sait que même lorsque l'homme se croit au paradis, il peut-être englouti sous les laves en fusion d'un volcan réveillé. Et si ces itinéraires chorégraphiés donnaient à voir les habitants de Pompéi insouciants dans l'attente de l'irrémédiable, avec ces hommes encapuchonnés rendus aveugles et vains par l'amour qui les domine ? Ce serait dire l'homme Éternel. On voit encore dans cet Indigo des histoires de mer et de plage, d'Israël, d'Italie ou d'Espagne. Furtivement, peut-être, celle aussi de Mort à Venise, une autre rencontre : Thomas Mann et Visconti – l'histoire mélancolique d'autres hommes vivant légèrement avant d'autres drames absolus. Il y a quelque part cette si belle photographie de Dècina, en maillot de bain sur un transat rose, sans doute sur l'une de ces plages, avec un demi sourire jocondien : et si cette danse disait aussi la réminiscence de l'enfance perdue, celle des vrais bonheurs avant le surgissement des drames ? Le bruit de l'horloge baudelairienne n'est-il pas devenu soudain trop fort ?

On se souvient ici de quelques vers de Lorca : « dans la nuit du jardin,/ six gitanes/vêtues de blanc,/ dansent (…) Et dans la nuit du jardin,/ leurs ombres s'allongent/ et arrivent au ciel,/ violettes. » On songe à La Danse de Carpeaux et à La Chevelure de Matisse, à la profondeur des bleus de Joan Miró…

On est suspendu aux gestes et aux pas, aux figures, aux attouchements, aux caresses, à la peau dévoilée, aux corps musclés des danseurs, à leurs envolées, à ces courses effrénées, à ces instants de tendresse ou de rage charnelle, à ces délaissements et ces retrouvailles, on est dans le mystère de la chambre, de la camera obscura : la pièce noire du lit de sommeil, de rêve et d'amour (on se déshabille ici pour se jeter sur des oreillers), mais aussi celle imaginée par Léonard de Vinci qui aboutira un jour à la photographie. Jeux multiples de lumière, toujours. Moments entre chiens et loups où tout semble possible, le plaisir, la joie et le jeu – moments magiques où renaissent les étoiles que l'on croit alors atteignables. Giuseppe Ungaretti écrivit : « Mais la nuit disperse les distances. » Une femme désirable montée sur les épaules d'un homme nous ouvre ses bras…

De ces impressions naît le bonheur. Il est indigo.

Laurent Bourdelas
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"Couleur indigo"
Bernadette Bonis, Danser, n° 264 - avril 2007

Paco Dècina nous plonge dans un rêve, écho du monde, éventail de soie irisée : Indigo emblème de poésie. Tout de suite, le décalage s'installe avec les ondulations d'une danseuse derrière une bande de tissu tenue par deux danseurs à différentes hauteurs. Tout au long de la pièce, les variations de l'espace et celles de l'ombre et de la lumière colorées s'accordent à une gestuelle fluide comme l'eau, douce comme un rayon de lune, ponctuée d'humour fantasque. Il y a de très jolies images, tel cet alignement des danseurs en fresque ou, à la fin d'une large course des danseurs autour de la scène, celle d'un homme en noir tournant sur lui-même un danseur accroché à chaque bras. Mais la pièce gagnerait à être resserrée pour éviter que la dernière partie – qui recèle peut-être les meilleurs moments, y compris un solo de Paco Dècina – ne soit perçue comme chaotique.

Bernadette Bonis
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"Indigo, la pureté et la fluidité du geste"
Marie-José Ballista, Le Berry Républicain, jeudi 15 février 2007

Co-produite par la Maison de la Culture de Bourges, la dernière chorégraphie de Paco Dècina est toute fraîche. Le grand théâtre en a eu la primeur. Indigo, c'est le titre de la pièce, poursuit le processus de recherches de Paco Dècina qui "interroge l'intuition et la mémoire comme soutien du mouvement dansé". L'argument est essentiellement intellectuel, mais ne cesse de rebondir sur la gestuelle du corps, de jouer sur la vibration et l'immobilité Érigées au rang de l'art. Quatre danseurs, dont Paco Dècina, et deux danseuses, habitent littéralement le plateau blanc et nu, frôlé d'une lumière bleutée, où le seul accessoire est un oreiller, voire les robes des femmes.
En une heure trente de chorégraphie, on se laisse fasciner par la fluidité du mouvement, la grâce des danseurs dans une gestuelle presque suspendue dans l'espace, hors du temps. Les corps se cherchent, s'épousent, avec une sensualité pudique. Apparaissent des images tenant du rêve, du fantasme, des figures somptueuses, jusqu'à ce très beau solo de Paco Dècina. Si la beauté est bien là, et l'élégance, Indigo laisse cependant filtrer une forme de froideur, presque de distanciation.
Une seconde soirée est consacrée à la compagnie Post-Retroguardia de Paco Dècina avec une chorégraphie plus ancienne, Soffio.

Marie-José Ballista
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"Paco Dècina, chorégraphe philosophe au Festival Faits d'Hiver"
Le Festivalier, dimanche 11 février 2007

Il est 17h30, au Théâtre de la Cité Internationale de Paris. Le public est nombreux pour assister à « Indigo », la dernière création du chorégraphe Paco Dècina. Le photographe Eric Boudet et moi-même semblons être les seuls à nous inscrire dans la continuité du spectacle de la veille (« Je ne suis pas un artiste ») qui nous a maintenu éveillé de 19h à 7h du matin. Le Festival « Faits d'Hiver » a donc de la suite dans les idées : après les douze heures d'une performance qui n'a cessé d'interroger le « beau », nous sommes prêts pour « Indigo », « la couleur profonde de la nuit quand celle-ci se prépare déjà secrètement à se teinter de pourpre » (Paco Dècina). Une heure avant le spectacle, je constate que le Théâtre organise un café philosophique avant et après la représentation. Du « beau » à la philosophie, il n'y a qu'un pas que je franchis avec enthousiasme. L'opportunité de relier le blog, le festival « Faits d'Hiver », un groupe de spectateurs philosophant sur la danse et un photographe est unique ! C'est ainsi que notre projet de médiation prend une nouvelle forme, inattendue et pour le moins excitante. Les passerelles stimulent !

Cette ouverture me tient éveillé tout au long d' « Indigo », chorégraphie tout en douceur et tout en longueur. Je suis hypnotisé, comme happé par ces six danseurs parmi lequel Orin Camus (photo ci-dessous). Il dansait la nuit dernière à 3h du matin lors de la performance « Je ne suis pas un artiste ». Sa présence est exceptionnelle, intacte malgré la fatigue. Tout est décidément lié…d'autant plus que le thème du café philosophique animé par Bernard Benattar (philosophe du travail) porte sur la présence !

Nous sommes vingt-cinq, installés dans ce joli café. Le philosophe lance le débat : « C'est une pièce sur la présence de l'absence ». Cette entrée paradoxale stimule le groupe. Certains expriment leurs ressentis, d'autres, plus à distance, Écoutent. La présence se joue autour des tables comme si « Indigo » continuait à produire ses effets. « C'est un spectacle qui nous donne beaucoup de place » et certains n'en reviennent toujours pas : « je reviens pour la deuxième fois pour vivre une expérience des sens. Paco Dècina laisse percevoir le corps. J'aime cette liberté. ». En effet, « Indigo » est « un hymne à la renaissance » qui laisse au spectateur une place, une liberté qu'il n'hésite pas à prendre (« Je me suis absenté souvent dans cette pièce » ; « je n'arrive pas à interpréter. Je suis entré dedans sans faire de lien »). Chacun interprète la présence (« sa dramatisation » dit l'un deux) dans toute sa complexité et les échanges s'emballent à propos du silence : « Dès le début, le silence m'a fait peur…La danse était certes très belle, mais je n'ai pas accroché ; j'ai perdu le fil ».

Paco Dècina n'oppose pas pour préférer le « tout » : « la présence se nourrit de l'absence » et « elle dépend de notre position ». Les moments de silence ont précisément pour fonction de permettre au spectateur d'être présent (« le silence permet de créer le lien entre le chorégraphe et le spectateur…Il nous fait toujours résonner ! »). à ce moment du débat, chacun de nous est interpellé. La tension est palpable. Je suis troublé après coup de constater que nous sommes en miroir avec « Indigo » qui suit le même cheminement ! Un recadrage est alors proposé : « A-t-on besoin de rationaliser ce spectacle ? Cela s'adresse aux sens, c'est tout ». Cette sentence remet en cause le principe du café philosophique. La réponse ne tarde pas : « L'enjeu ici n'est pas de cliver. La philosophie partagée permet de dépasser les clivages entre les concepts et les ressentis, les sens ». Le cadre étant reposé, un spectateur précise que « l''homme est vu dans sa fragilité. C'est une pièce très féminine, où la danse dégage un érotisme troublant ! ». Le « féminin » permet précisément de sortir des clivages pour se centrer sur la relation. Or, nous ne sommes pas tous d'accord sur l'intensité relationnelle d'"Indigo". Certains la jugent « trop esthétisante » quand d'autres relèvent des « mouvements habités, où le danseur va jusqu'au bout alors que d'autres sont vides ». Le « plein », le « vide » fait de nouveau débat avant ma provocation (involontaire !). J'évoque le solo final, laborieux à mon goût, un peu vide, comparé à la « stature » d'Orin Camus. Or, ce danseur n'est autre que Paco Dècina ! C'est alors que Bernard Bennatar reformule : « ce solo est à la limite du théâtral ». Comme au spectacle, cette phrase retentit comme un final subliminal.

Nous sommes alors prêts pour visionner les photos d'Eric Boudet. L'enthousiasme est palpable. L'image se relie aux mots. Magnifique.

« Indigo » est une passerelle : pour en ressentir toute la puissance, il faut oser aller d'une rive à l'autre. Osons.

Le Festivalier
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"La danse comme évidence"
Isabelle Danto, Le Figaro, mardi 6 février 2007

Pièce pour six danseurs sur le thème de la lumière, Indigo est la nouvelle création de Paco Dècina dans le cadre de sa résidence au Théâtre de la Cité internationale et du festival Faits d'Hiver. Avec Indigo - la couleur de la nuit qui se sépare au jour et la seule architecture du décor-, le chorégraphe va droit à l'essentiel, pour livrer une danse limpide qui semble dévoiler le secret du langage des corps.
Concentré sur la danse, l'espace et la lumière, il y invente une gestuelle fluide et charnelle toute en étirements, immobilités, enroulements, courbes, portés virils et mouvements en aplat. A partir des tensions et des oppositions, les corps-à-corps enroulent leurs motifs dans le silence et dans le noir pour se développer en gestes infimes, en trajectoires et tracés et se délier dans des rais de lumière. Tout est apaisement, dépouillement et relâchement.
Et les corps dansants se métamorphosent magnifiquement en phrases au son de textes psalmodiés. Ce geste pur pourrait être teinté d'austérité s'il n'était habité et porté par le talent des interprètes à la forte personnalité comme Valeria Apicella, Takashi Ueno et le chorégraphe lui-même. C'est un nouvel alphabet du geste que Paco Dècina propose en donnant à voir des mouvements jamais vus et qui révèlent "l'impalpable".
Il renouvelle la magie de Chevaliers sans armure, présenté en mai dernier, et prouve qu'il est, discrètement, l'un des chorégraphes les plus talentueux de la danse contemporaine.

Isabelle Danto
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www.ville-saintetiennedurouvray.fr

Limpidité, harmonie, immobilité vibrante… Mais aussi, mouvement infini, tension, chant des corps, sont les termes qui reviennent le plus souvent pour définir la danse passionnante de Paco Dècina.

Chorégraphe napolitain installé à Paris, auteur du magnifique Soffio présenté au Rive Gauche en 2005, il marque l'histoire de la danse de son parcours singulier depuis les années 80. Véritable écriture du mouvement, sa danse Épurée est une danse de la maturité, fondée sur l'intuition et la mémoire, une danse qui refuse l'anecdote et nous laisse lire à corps ouverts.

Indigo, nouvelle pièce pour six interprètes, prolongera la mise en lumière de l'invisible, chère au chorégraphe : "Depuis plusieurs années, je m'interroge sur ce que la danse dévoile et met en lumière. Comment elle transforme la masse des corps en mouvement et comment ses rythmes et ses fréquences nous révèlent quelque chose de “l'impalpable”.

Dans la théorie ondulatoire qui considère la lumière comme une vibration chromatique, l'octave qui représente le spectre des couleurs n'occupe qu'une petite place dans l'échelle des phénomènes vibratoires et c'est la seule qui peut être visible à l'œil humain. Mais, pour être visible, la lumière doit rencontrer un obstacle sur lequel se réfléchir et se projeter ailleurs. Par cette “rencontre-impact” elle révèle les formes et nous permet de les nommer. Après Chevaliers sans armure, duo encensé par la critique, c'est cet aspect révélateur de la lumière retrouvé dans la danse, qui servira d'appui à l'inspiration de ce chorégraphe prodige.

www.ville-saintetiennedurouvray.fr
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EVENE.fr, Toute la culture

On connaît maintenant le parcours singulier de Paco Dècina qui, de chorégraphie en chorégraphie, va vers l'essentiel et nous donne à voir et à vivre une danse fondée sur l'intuition et la mémoire, une danse qui refuse l'anecdote et nous laisse lire à corps ouverts. Limpidité, harmonie, immobilité vibrante, mouvement infini, tension, Épure, chant des corps sont les mots qui reviennent dans la presse. Le chorégraphe, lui, parle de cet espace blanc qui est un moyen d'investigation sur nous-mêmes, le lieu où laisser surgir ce qui est enfoui. Indigo prolongera sa recherche de la mise en lumière de l'invisible.

Depuis plusieurs années, dit-il, je m'interroge sur ce que la danse dévoile et met en lumière. Comment elle transforme la masse des corps en mouvement et comment ses rythmes et ses fréquences nous révèlent quelque chose de 'l'impalpable'. Après le très beau duo qu'il dansait avec Valeria Apicella, Paco Dècina va lancer dans l'espace blanc les danseurs de sa compagnie, dans cette interrogation sur cet aspect révélateur de la lumière.

EVENE.fr
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