Paco Dècina au pupitre à l'« Orologio »
Un chorégraphe pétri de Paris
Paco Dècina : un napolitain naturalisé à Paris qui a gelé l'émotivité du sud dans la rigueur de la capitale française.
Trente trois ans, danseur et chorégraphe, enseignant au centre chorégraphique de Champigny, lauréat du premier prix « conceptographies », Paco Dècina a présenté cette fin de semaine au Piccolo Orologio « Tempi morti ».
Le spectacle, second dela programmation « théâtre et danse entre tradition et prospective » a été longuement applaudi pour sa nouveauté et pour le professionnalisme des danseurs.
Deux couples et un homme sont en scène parcourant les « paesaggi sentimentali » dessinés par les chorégraphies de Dècina. Amours, nostalgies, ennui, désirs, sont les émotions des éternelles histoires d'amour et d'abandon. Mélodie andalouses, rythmes brésiliens, thèmes empruntés à l'art lyrique s'entremêlent dans la partition du spectacle.
Dècina raconte les sentiments, mais sans émotions. Ses danses sont dignes des meilleures leçons sur la distanciation, le visage de ses danseurs est figé dans un masque impassible. C'est peut-être là l'empreinte la plus personnelle du chorégraphe napolitain : son impassibilité devant les sentiments et sa rigueur géométrique dans la composition chorégraphique. L'espace de l'Orologio, avec ses trois portes ouvertes sur le plateau, s'est parfaitement prêté à la composition des « paesaggi sentimentali ».
Il n'y a pas de scénographie, les costumes sont classiques, comme les gestes, souvent empruntés au quotidien, peuvent être des gestes conventionnels. Les danseurs ne craignent même pas de montrer la lourdeur de leurs corps.
(m.z.) Carlino Reggio
Le spectacle de Paco Dècina très applaudi
Sous le titre « Théâtre et danse entre traditions et prospectives », la saison théâtrale 1987-1988 du Piccolo Orologio a proposé la compagnie Post-Retroguardia dans « Tempi morti », une oeuvre du jeune chorégraphe napolitain Paco Dècina, qui, après un début milanais en mai dernier au Théâtre de Porta Romana, a conquis en France le « Prix de la Ménagerie de verre 1987 » qui remplaçait le fameux concours de Bagnolet.
Paco Dècina est d'origine italienne, mais, comme cela se produit fréquemment, il doit sa propre renommée à ses incontestables capacités mais aussi à la sensibilité de Paris et de la France en général envers la danse, qui l'ont d'abord adopté en tant qu'élève de Peter Gross et d'Anne Dreyfus, puis découvert en tant que chorégraphe.
Mais si « Tempi morti » semble de prime abord rentrer, s'insérer complètement dans le style et dans le goût de la nouvelle danse française, à travers son vocabulaire de mouvements et de gestes froids, stéréotypés, avec des variations minimes et totalement déséquilibrées dans la façon de donner aux chorégraphies la physionomie scènique d'un travail fortement scénographique, on se rend compte au bout de quelques instants que Paco Dècina et son groupe, tout en adoptant les mouvements de cette base, la recomposent en totale liberté.
Dans « Tempi morti », Paco Dècina n'invente pas un style nouveau mais fait courir sur le spectacle un souffle de poésie inhabituelle, absolument italienne, qui en accentue des situations, la quotidienneté, qui est en définitive le thème du travail, de la complexité, du mystère.
En substance, son travail constant est celui d'une décodification implicite qui montre ce qui se voit jusqu'à ce qui ne se voit pas.
Le vrai sujet de son travail n'est ni l'ennui, ni la statique, mais l'écoulement du temps, sa virtualité jamais considérée, ces moments où il semble ne rien se passer et où au contraire tout arrive. Cinq danseurs, deux couples et un homme se meuvent, se rencontrent, se séparent dans l'espace fermé d'une pièce, pauvre, dépourvue d'éléments scèniques. Ici se manifestent, grâce aussi aux bases musicales captivantes (Hector Berlioz et rythmes latino-américains), les plaies secrètes d'humanité, transmises sans les nommer, presque avec pudeur, mais non sans ironie. Ce sont les mystères, les fiertés cachées, les douleurs secrètes « reflets de l'âme » intimistes.
Mais Dècina et ses danseurs (qu'il vaut la peine de nommer : Andrea Battaglia, Sophie Lessard, Alvaro Morell Bonet, Claire Rousier) sont toujours présents et donnent vie, avec le concours de Dominique Mabileau pour les lumières, à une série d'images très claires (le regard est fixe, l'expression des visages est réduite au maximum, les gestes précis, jamais langoureux), à un travail essentiel qui traduit l'apparente vacuité de la vie quotidienne en termes théâtraux, sans être du théâtre mais au contraire de la danse authentique.
Le chorégraphe qui a séduit Paris est à l'Orologio
« Tempi morti » sera rejoué demain soir, toujours à 21h30
« Je n'ai pas de certitude, sauf une : je danse moi-même ». Ainsi parle Paco Dècina, 32 ans, pomettes creusées à la Noureev (certains disent : on dirait Gadès), naguère peintre-scénographe-acteur et aujourd'hui danseur et chorégraphe. Son histoire commence à Naples et se poursuit en France, où il travaille d'abord avec Anne Dreyfus avant de fonder ensuite la compagnie « Post Retroguardia » : deux garçons, deux filles et lui. « Nous sommes dans une grande syntonie, dit-il. Pour moi, un danseur est une personne avant d'être une paire de jambes et de bras. C'est pour cela que le rapport humain me semble fondamental et que je ne réussis à bien travailler qu'avec des personnes qui ont une histoire, un vécu. Un jeune homme d'à peine vingt ans m'inspire peu. C'est encore une table rase ».
Ce soir et demain, Paco Dècina sera à Reggio, au théâtre Piccolo Orologio. Il présentera « Tempi morti », une création étrange, attentive à une danse libre, dans le droit fil des choix des principaux auteurs d'Europe centrale : Bausch, Goss, Chaupinot. « Tempi morti » a reçu le Prix de la Ménagerie de Verre 1987. Dècina a dit de ce spectacle : « Il ne faut pas raconter d'histoires. Je parle toujours de choses réelles, mais à travers des clichés de comportement. Sur scène, il y a des hommes et des femmes avec une individualité très précise, pas des personnages fantastiques ». Il n'ont pas costumes de scène mais de vrais vêtements. Sur le plateau, il se passe tout ce qui peut se passer dans un rapport humain. Il y a deux couples et un personnage seul qui déterminent des paysages sentimentaux. « Tempi morti » est sans cesse en équilibre entre émotion et sentiment. Nous ne nous touchons presque jamais, les rapports entre nous sont impalpables. Ce pourrait être un spectacle sur l'incommunicabilité, mais il y a pourtant de l'ironie et de l'ambiguïté ». Et encore : « Je ne pense pas faire du théâtre-danse, même si mon spectacle est théâtral. Ce qu'il raconte c'est l'attitude envers ce qui se fait, parce qu'entre théâtre et danse, je ne crois pas qu'il y ait des différences d'esthétique mais seulement de motivation ».
Avec Paco Dècina se produiront Andrea Battaglia, Sophie Lessard, Alvaro Morell Bonet, Claire Rousier. Lever de rideau à 21h30. Deuxième séance demain soir.
Il y a une drôle de qualité qui lie les personnages de « Tempi morti », la pièce de Paco Dècina présentée le 15 juin à la Ménagerie de verre.
Un sentiment trouble qui n'est pas d'ordre amoureux, et qui, détaché du rythme interne de la danse, s'exprime par des actions frustres, presque des gestes. Dans cette danse de couple (deux plus un danseur solitaire), il y a des lourdeurs calculées dans les chutes, des stations prolonges qui font que le corps est plus lourd que d'habitude.
Il y a également un caractère brutal dans l'ensemble de la disposition des morceaux dansés. Quelques ampoules nues qui pendent du plafond, des morceaux changés latino-américains, et des costumes simples, achèvent de donner à l'ensemble un caractère désolé et quotidien, qui n'existe pas forcément lors des représentations en salle.
C'est dansé, joué, la danse est mise en scène, truffée de poses, enfin c'est comme vous voulez, mais ça passe forcément par le théâtre sans être de la danse-théâtre. Paco Dècina n'invente pas un langage particulier mais la sincérité de son discours l'emporte sur la pudeur et la réserve de son écriture.
La désinvolture de l'Américaine Sophie Lessard et la solennité verticale de Claire Rousier servent admirablement ce temps mort à l'italienne.
La composition intelligente souffre tout de même d'une tendance à Étendre dans le temps la portée de chaque geste. Dommage, car l'atmosphère nostalgique et nonchalante perd de sa force. Bref, cela devient un peu long. Il suffirait peut-être de ne jamais croire que la suspension nécessite de la longueur. Malgré cela la compagnie Post Retroguardia a su trouver un ton rare et subtil. à suivre…
La Ménagerie de Verre, sous la direction de Marie-Thérèse Allier, a donné l'occasion à des jeunes chorégraphes de montrer le travail qu'ils avaient préparé pour feu le concours de Bagnolet 1987, disparu subitement avant d'être déclaré d'utilité publico-culturelle.
Les 31 mai et 1er juin donc, quatorze compagnies présentaient quinze pièces. De l'expérimentation pure, aux tentatives d'avant-garde, de l'immobilité des belles poses à quelques essais maladroits, une seule compagnie s'est dégagée nettement. Post Retroguardia et son chorégraphe Paco Dècina, qui vit à Paris.
Avec "Tempi Morti", présenté le 15 juin, elle a emporté le 1er prix haut la main. Ses interprètes, qui sont d'une exactitude à toute Épreuve, y compris dans les passages lents et difficiles, rappellent l'humour et le sens du tragique propres aux films italiens des années cinquante. La compagnie a gagné une résidence d'un mois à la Ménagerie de Verre.