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Ciro Esposito fu Vincenzo

Articles

Jean-Marc Adolphe, Programme du Théâtre de la Ville, avril 1996

Avec Ciro Esposito fu Vincenzo, Paco Dècina réussit sans doute l'une des plus belles chorégraphies de ces dernières années, en composant une sorte d'opéra ou la rumeur recueillie des corps tient lieu de lyrisme, ou la nudité portée telle une offrande s'imprime comme un indélébile acte de chaleur humaine.

Jean-Marc Adolphe
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"La renaissance d'une enfance"
, Catherine Debray,Sud-Ouest, 17 mars 1994

Paco Dècina a offert au regard du spectateur, mardi soir sur la scène du théâtre Saragosse un Ciro Esposito fu Vincenzo baigné d'étrangeté comme des peintures touchent à la grâce. Et ce n'est pas le seul des parallèles qu'on a pu établir, tout au long de cette heure et quart, entre l'art du mouvement et celui de la pose. Une confrontation qui ne laisse pas de surprendre et dont la lumière reste l'essentiel trait d'union.

Catherine Debray
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"Danse Émoi : une vanité de Paco Dècina"
Anne Geslin, Le Populaire du Centre, 12 janvier 1994

Pour Paco Dècina, la danse n'est pas une question de chorégraphie, c'est une façon d'être là un peu plus que les autres, de prendre la lumière et de l'exagérer. Et même si les danseurs ne dansent pas au sens où l'on entendrait, cette façon d'être là, de porter son corps sur son visage comme un vêtement, est sans doute l'essence même de la danse. Si c'était une peinture, on appellerait cela une vanité. Si c'était une histoire, on parlerait d'une ville yougoslave. Mais c'est la plus belle des danses, c'est presque insupportable, et c'est génial.

Anne Geslin
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"Paco des signes"
François Fargue, Le Quotidien, 3 décembre 1993

Il faisait froid, il pleuvait ce soir-là à Paris et il faut bien le dire, certains ont dû regretter amèrement leur sortie au Théâtre de la Ville pour voir Paco Dècina et son Ciro Esposito Fu (feu en français) Vincenzo. Il pleuvait aussi sur scène ou plutôt, c'était comme si un trou dans le toit laissait s'écouler un filet d'eau recueilli dans une bassine. Là-dessus, le programme est clair : « L'imagination est un lieu où il pleut » (Italo Calvino). On pourrait ainsi au fil des multiples images et des signes, disséquer le ballet comme un rat de laboratoire et jouer les érudits.

Depuis que Nijinski s'inspira des fresques grecques pour son « Faune », les chorégraphes nous servent du tableau de maître et du « byzantin » à tout va. Soit, cela flatte les yeux et les esprits avertis mais que c'est long (une heure trente) et comme on s'ennuie. Notez que l'ennui n'est pas une tare rédhibitoire en danse où l'idée de divertir est largement dépassée. Cela dit Dècina ne cherche pas à provoquer l'ennui mais au mieux l'hypnose avec ses mouvements de balancier, ses gouttes d'eau qui tombent et ses regards de Joconde. Il excelle de plus dans les effets de lenteur et d'immobilité distillés sur fond de bourdonnement de mouche et de petits airs napolitains.

Puis, patatras, c'est le poncif : bruit de réveil-matin, une chanson en anglais (toujours les mêmes journaux, la même merde, etc.). Des femmes en corsage et talons hauts empoignent leur pelle, répandent le mortier. C'est pas le tout de s'affaler dans des poses subtiles. Il faut aussi bosser. Mais bon, ça se laisse regarder. à déconseiller toutefois aux plus allergiques à l'insoutenable lenteur de l'être, voire même du néant.

François Fargue
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"La danse d'ombre de Paco Dècina"
Chantal Aubry, La Croix, 1er décembre 1993

Comme ces dessins d'Ernest Pignon-Ernest collés aux murs de Naples et lacérés par le temps, belles figures jaillies de l'ombre, corps lyriques jouant d'un soupirail ou d'une ruelle, la danse de Paco Dècina semble hantée par la mort. Une mort qui, étrangement, est ici familière, apprivoisée, presque souriante.

Une mort païenne, à l'image de la ville qui inspira le peintre et vit naître le chorégraphe. Mais l'imprégnation religieuse étant chez ce dernier aussi forte que le paganisme, elle entretient avec lui un insistant dialogue dont sa danse est le lieu d'élection.

Comme si, de l'enfance préservée, des études au collège de jésuites, le jeune Napolitain avait tiré une leçon des plus paradoxales. A commencer par un sens aigu de la solitude. Beaux-Arts, sport, plus tard danse, il fut en effet de ceux qui parviennent à leurs fins en luttant contre leur milieu. "J'ai dû m'en remettre à moi-même. Depuis mon enfance, je savais que je serais tout seul. "C'est donc en saltimbanque qu'il peuple cette solitude. En France depuis moins de dix ans, il a créé sa compagnie en 1987 et inventé avant d'en venir vraiment au fait des chorégraphies d'abord véloces et légères. Etre étranger, c'est être attentif aux autres et à soi-même."

Est-ce ainsi qu'est venue "Ciro Esposito fu Vincenzo", sa dernière pièce, créée l'an dernier et présentée pour deux jours au Théâtre de la Ville ? En tout cas, le ton a changé. A la fois proche et dépaysante, cette nouvelle œuvre parle de lumière, de chaleur, de terre presque sicilienne, de décadence et de beauté. Le dénuement, le face-à-face avec la mort : faut-il être exilé pour savoir, mieux que les autres, l'approcher ?

Chantal Aubry
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"Le succès mérité d'un chorégraphe napolitain"
Laurence Liban, Le Parisien, 30 novembre 1993

Paco Dècina est né à Naples, cette cité convoitée par le Vésuve et croulant sous la splendeur décatie de son histoire. Ses premières chorégraphies ne sont pas encore marquées du sceau de la mélancolie : c'est l'humour qui l'emporte, et l'ironie.

En revanche, avec Ciro Esposito Fu Vincenzo, Paco Dècina regarde le passé et le pare de couleurs tragiques : sur un mur bleu patiné d'or et de mauve, troué d'ouvertures où se glisse le regard des femmes (ce sont elles, toujours, les dépositaires de la mémoire), un homme danse. C'est très beau. Lourd d'un passé fautif, comme si vivre aujourd'hui était devenu impossible.

Côté danse, on retrouve les tics et les trucs de la jeune chorégraphie : chutes, roulades et esquisses d'arabesques, lenteur pénétrée d'esprit de sérieux. Le tout en musiques lyriques et populaires pour l'émotion ou en grincements de dents mégaphoniques pour l'intellect. Bref, une pleine brouettée de défauts emportée par une force d'évocation vraie, une palpitation qui ne demande qu'à se libérer du maniérisme.

Présenté il y a un an au Théâtre de la Bastille, ce spectacle devra trouver ses marques sur la grande scène du Théâtre de la Ville.

Laurence Liban
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"Paco Dècina : danse à l'italienne"
Joélle Porcher, Les clés de l'ACTUALITÉ, mars 1993

Paco Dècina est chorégraphe, italien, napolitain même. Petit homme tonique et nerveux, il déborde d'imagination. Depuis qu'il est sur scène et qu'il fait danser les autres, il allie merveilleusement une inspiration fantaisiste à la rigueur de la danse contemporaine.

"Il y a dix ans, explique-t-il, tous les danseurs modernes avaient suivi un enseignement classique. Aujourd'hui, je travaille avec des gens qui ont une formation contemporaine…la danse ne suit plus la musique. Les sons accompagnent le danseur et lui servent de repères, mais on peut faire sans."

Dans ses spectacles, il met ainsi l'accent sur le mouvement, les décors (toujours sobres) et les costumes (très Élaborés ou d'une grande sobriété. "Je parle toujours de la mémoire", affirme-t-il. Chacune de ses chorégraphies, et en particulier les deux dernières, "Ombre in Rosso Antico" et "Ciro Esposito" parlent du passé, voire de l'Antiquité. Dans "Ombre in Rosso Antico", les décors ne sont pas sans rappeler les temples et les statues grecs ou romains. "Ciro Esposito", plus inspiré de la peinture, des peintres italiens comme dans la scène de la jeune femme se lavant dans une sorte de conque, grande coquille, en inclinant ses longs cheveux, la Vénus de Boticelli n'est pas loin. Et de la peinture flamande pour les jeux de lumières, les couleurs pourpre et or.

Le titre de "Ciro Esposito" est composé de Ciro, un prénom répandu dans le sud de l'Italie et "Esposito", exposé, nom de famille donné aux enfants que l'on trouve à la porte des églises (donc "exposés" aux personnes voulant bien les recueillir. On retrouve dans ce titre la double volonté de l'exhibition et de la pudeur. "Ciro" évoque aussi les mannequins de cire.

Paco Dècina a créé ce spectacle au cours d'une résidence au Centre de production chorégraphique d'Orléans dans le cadre d'une opération appelée Danses au Centre (organisée par la région Centre). Pour un chorégraphe, être en résidence, c'est pouvoir disposer d'une scène pendant une période donnée (quelques semaines, parfois plus).

Ainsi, installé avec ses danseurs, le chorégraphe peut travailler son spectacle et diriger la construction des décors et la mise au point des éclairages.

Créé le 22 janvier pour la première fois à Orléans, "Ciro Esposito" part en tournée en province : il sera donné le 23 mars à Niort, les 3 et 4 avril à Chartres, en juin à Mulhouse et en juillet à Vierzon. Il sera également à Paris, à la rentrée.

Joélle Porcher
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"Compréhensible par le corps et non par la raison"
Jean-Marie Gourreau, Les Saisons de la Danse n° 244, mars 1993

De ces spectacles qui touchent profondément il est bien difficile de parler. Peut-être parce qu'il évoque l'indicible. La scène la plus Émouvante de l'oeuvre, au cours de laquelle l'homme offre aux regards de la foule une femme, sa femme ; tous deux sont nus. La fragilité de ces corps, la simplicité de cette offrande, l'impuissance de ce couple totalement dénué Émeuvent jusqu'aux larmes.
(...)

Jean-Marie Gourreau
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"Un parcours chic"
Laurence Liban, Le Parisien, 6 février 1993

Si vous êtes accroc, mais vraiment accroc de la danse d'aujourd'hui, vous aimerez sûrement la dernière création de Paco Dècina. On y trouve des ingrédients "dernier cri" de la chorégraphie dans le coup : atmosphère travaillée au petit poil, costumes de ville contraignants, musiques lyriques en tout genre ou stridulations méga phoniques, jeunes gens au crâne rasé et jeunes filles trop rondes ou trop sèches. Esprit de sérieux en béton. Etc.

Et la danse ? Ah ! oui, la danse. à prendre avec des pincettes, en roulades ou en chutes. Parfois aussi, furtivement, en arabesques clandestines.

On l'a compris, Paco Dècina réussit un sans faute dans le parcours chic du chorégraphe choc. Et pourtant, derrière le fatras de tout ça, il arrive qu'on entrevoie quelque chose de vrai, un cœur palpitant derrière les codes, une force d'évocation et d'émotion convaincante.

Paco Dècina est né à Naples. De ses origines et, sûrement d'une bonne culture frottée au cinéma néo-réaliste italien, lui vient ce talent de suggérer un climat, une oppression, une violence. La mort, présente tout au long des séquences qui s'enchaînent, s'enveloppe de chansons populaires italiennes venues de loin, sans nostalgie.

Au fond de la scène ; un grand mur patiné de bleu, d'or et de mauve, laisse passer le regard de trois femmes cachées derrière une meurtrière horizontale, tandis qu'un garçon danse dans la pénombre, accompagné d'une femme chandelier. On retient son souffle pour entendre celui de l'auteur et se réconcilier avec lui. Difficile d'être soi-même.

Laurence Liban
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Irena Filiberti, Révolution n° 675, février 1993

Pour ce chorégraphe arrivé de Naples et dont la compagnie se produit depuis 1987, l'image, la mémoire et les rapports sociaux font partie des éléments majeurs de ses productions. Cinq spectacles se sont succédé depuis " Tempi morti " pièce des débuts jusqu'à "Vestigia di un corpo" pénultième et superbe création marquant une étape importante dans le développement de son travail et pourtant restée malheureusement dans l'ombre. Le mot n'est pas vain. Il s'agissait dans ces latences de silence – aptes à faire Émerger par strates mises en images toute une mémoire du corps et de son histoire, un travail qui lui est particulier -, d'extirper des corps et de la danse le souvenir aussi bien que sa résurgence actuelle des ombres menaçantes d'un corps social totalitaire. Sous le regard aigu de ce chorégraphe latin, l'Histoire et le politique sont toujours à l'œuvre au plus près des interrogations esthétiques et des modifications corporelles qu'elles produisent. Toujours dans cette lignée, plonge et s'élève le propos de "Ciro Esposito fu Vincenzo". Personnage inventé, "écho d'une pensée" autant qu' "iconographie du possible", pour pallier " une époque qui ne laisse plus de place aux poètes, plus de temps pour penser à la mort " tel est le propos abordé par Paco Dècina dans cette pièce. Pari difficile et fermement tenu. Par une écriture limpide, ouverte, le chorégraphe fait ici l'œuvre grande avec des constructions rare forçant le sens et l'imaginaire vers des dimensions infinies.

Nulle description ne saurait évoquer la richesse surprenante de cette iconographie vivante, tableaux si polis de rêve qu'ils s'éveillent à d'autres réalités, inversant les données du visible et de l'invisible, jouant sur les liens ténus des relations mises en présence, qu'elle soient musicales, plastiques, et particulièrement sur le travail des interprètes qu'il convient de souligner. Remarquables solos, tout de plénitude et de rondeur tourmentée chez Chiara Gallerani, ou bien traversé de lignes inquiétantes aux gestes cisaillés de Paco Dècina bientôt rejoint par les pliés et les progressions courbées de ses compagnons soit Alessandro Bernardeschi, Guillaume Cefelman et Carlo Locatelli. D'autres duos encore glissent de rencontres violentées en présences aux offices subtils particulièrement agissantes chez Regina Martino et Manuela Agnesini.

La démarche artistique du chorégraphe semble assez proche dans ses procédés des Anachronistes italiens, proposant un univers pictural citationniste – problématique issue de la réflexion post-moderne et qui prend corps aux débuts des années 80 - reprenant à "la visite du musée", pratiquant la citation, l'affinement et le métissage de différents styles de la grande tradition picturale occidentale. L'ensemble pris comme modalité linguistique prolonge l'analyse critique sur l'histoire de l'art engagée par certains artistes des années 70. En réponse à l'idée que "l'oubli afflige la mémoire". Paco Dècina établit un dialogue imbriqué entre la stratification de manières et thématiques plastiques et une méditation intime de moments et mouvements de vie qui placent le discours dans une position paradoxale de dépassement.

Irena Filiberti
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"Paco Dècina : magnifiquement la danse capture l'intimité"
Jean-Dominique Burtin, La République du Centre, 23 et 24 janvier 1993

(...)
La dernière création de Paco Dècina est magnifique, c'est une toile de maître. Ciro Esposito fu Vincenzo est une nouvelle et luxueuse confidence de Paco Dècina. Un raffinement qui entête de toute sa belle et fluide légèreté.
(...)

Jean-Dominique Burtin
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Gilles Laprévotte, Programme de la Maison de la Culture d'Amiens, janvier 1995

(…)
Ciro Esposito fu Vincenzo nous transporte dans un univers où les signes d'une certaine quotidienneté laissent effleurer une dimension humaine essentielle et complexe. Sa chorégraphie tisse des liens ténus entre musicalité, expression plastique, corps des interprètes, et mouvement intérieur. Sa danse nous touche au plus profond. Impossible d'oublier ce bouleversant duo où un homme et une femme dans la plus brute des nudités, image possible d'une pietà en mouvement, nous donnent à ressentir la plus extrême des douleurs. Dans ces moments là, la danse est un incomparable regard qui nous transperce et perce les apparences.

Gilles Laprévotte
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"Paco Dècina, Hervé Robbe, Petite conversation autour de l'image"
Irena Filiberti et Jean-Marc Adolphe, Mouvement n°10, Mai-Juin-Juillet 1995

(…)
Ciro Esposito fu Vincenzo est un regard sur la mort proche de la contemplation. Son propos, depuis la haute imagination qui s'y fait jour, répond aux images qui inondent l'espace quotidien, à l'accélération du temps ordinaire qui obture la fantaisie. Ciro Esposito... évoque par tableaux charnels et poétiques, un temps retrouvé grâce aux sensations offertes par le temps perdu, accents ou instants singuliers créés par ces concentrations de l'être.
(…)

Irena Filiberti
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