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Non Finito

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"Paco Dècina, un danseur sachant danser"
Rosita Boisseau, Télérama Sortir, mardi 1 mars 2011

Le lexique de la danse contemporaine s'est enrichi d'une expression pas piquée des chaussons : la “danse dansée”. Sabir de jargonneux en mal d'étiquette ? Langue de professionnels qui fourche ? Pur symptôme d'un art qui ne sait plus tout à fait qui il est. Au regard de spectacles qui ressemblent à des pièces de théâtre ou lorgnent du côté du remix pluridisciplinaire, la “danse dansée” met deux fois les points sur les “i”. C'est à cette catégorie que le chorégraphe Paco Dècina appartient. “Ça me fait rigoler que l'on m'étiquette ainsi, s'exclame en riant ce Napolitain installé en France depuis les années 80. Au fond, je ne comprends pas. La danse, c'est la danse, non ?”

Pour ne pas se laisser piéger dans un label réducteur, Paco Dècina, à l'affiche de la Biennale de danse du Val-de-Marne avec une nouvelle pièce pour sept interprètes intitulée Non finito, rappelle illico que certains de ses spectacles, bien avant la mode de la “non-danse”, s'étaient confrontés au challenge de l'immobilité. Souvenir Éberluant de Ombre in rosso antico (1989), où les interprètes droits debout rendaient palpable une vibration subtile : celle d'un corps ultravivant traversé d'un flot d'émotions fines.

Incontestablement, Paco Dècina est une figure à part. Sa foi dans le mouvement, son talent à en reconduire les formes témoignent d'un travail sans concession. “La difficulté, avec la danse, c'est qu'elle exige de plonger dans le vide pour trouver un geste juste, commente ce passionné de médecine chinoise. Aujourd'hui, de plus en plus d'artistes sont télécommandés par un système qui formate leurs pièces. Je me demande parfois si certains n'ont pas peur de se donner à la vie profonde, celle très mystérieuse du corps”.

C'est ce rapport à la matière que Non finito explore en tentant, selon Dècina, “de déborder la peau”. “C'est peut-être ce que parfois les spectateurs cherchent dans la danse, poursuit-il. Une réponse à cette vie qui les effraye.”

Rosita Boisseau
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"Paco Dècina, peintre du mouvement" Philippe Noisette, CultureMatch, mercredi 9 mars 2011

Le plus français des Napolitains, Paco Dècina se raconte avec cette pointe d'accent charmeur : il s'amuse encore aujourd'hui des hasards qui l'ont conduit des études scientifiques à la danse. " En fait, j'ai toujours voulu être peintre. Enfant, je dessinais tout le temps. Mais mes parents n'étaient pas d'accord pour des études artistiques. Alors j'ai bifurqué. Jusqu'à ce que je me rende compte que la danse, c'est peindre dans l'espace. " Cours académique, technique afro-cubaine, tout l'exalte. Mais c'est à Paris qu'il se révèle. " J'ai découvert que la danse contemporaine était une réalité ici. En Italie, à part le classique, elle n'existait pas vraiment. " En 1988, " Circumvesuviana " séduit.

De pièce en pièce, Dècina impose son style, entre Épure et sens du détail. " Je viens d'une autre culture ; j'étais habitué à regarder autre chose. En France, la danse est plus rationnelle, plus littéraire. De Naples, où je suis né, à Rome, où j'ai débuté, vous êtes bombardé par une profusion d'œuvres d'architecture, d'art sacré, sans oublier les fontaines et les jardins. Votre regard en retient quelque chose, même inconsciemment. "

Paco Dècina vient de créer au théâtre de Chartres " Non finito ". " L'expression est apparue à la Renaissance pour désigner l'état d'inachèvement d'une œuvre d'art, chez Michel-Ange surtout. J'ai voulu suggérer en scène ce “Non finito” par un travail des images comme de la lumière. La vidéo devient un prolongement du corps en perpétuelle mutation. " Si Paco Dècina n'est pas devenu peintre, comme dans ses rêves, ses spectacles sont bien plus : des tableaux vivants.

Philippe Noisette
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"Paco Dècina, NON FINITO" Marc Verhaverbeke, Blog Ecrire Ici Aussi, jeudi 10 mars 2011

Le geste est lent, suspendu, geste de peintre, posant sur la toile la forme, le mouvement. Peintre du mouvement, Paco Dècina dispose les corps comme des élèments visuels : il ne raconte pas une histoire, son histoire ce sont les élèvations, les fluidités, les traits de lumière qui ouvrent l'espace, qui font littéralement danser l'espace. Quelque chose travaille à l'intérieur du regard du spectateur, ça va creuser loin, profondément, lentement. Chaque mouvement est lié à un autre, un bras à un autre, un pied prend appui sur une épaule, une main sur une omoplate, au point qu'on en oublie les corps et qu'on n'en voit que la lumière. La danse proposée par Paco Dècina est picturale et onirique. Elle nous transporte en deçà de nos paupières, utilisant les techniques de vidéo qui semblent déformer les images quand elles ne font que les révèler.

Marc Verhaverbeke
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A propos de NON FINITO" Thomas Hahn, DANSER, 2011

On comprend parfaitement l'univers de Paco Dècina après avoir vu Non Finito. Ce qu'il tient de Murce Cunningham? La liberté d'occuper l'espace où bon lui semble. Ce qu'il porte en lui de sa Naples natale? Le sens aigu d'une lumière mystérieuse, de la beauté visuelle et de la lumière. Eclairer un spectacle, c'est le sculpter. Ici, l'excellent travail de Laurent Schneegans souligne pertinemment cette idée du « non finito », à propos d'une sculpture qui se dégage encore et à jamais de son bloc de marbre. . Il s'agit de souligner liberté et harmonie, en même temps qu'exactitude et sensualité. En effet, cette pièce débute par une évocation des statures de Michel-Ange. Plus tard, les sept interprètes ne sortent jamais entièrement de l'ombre et restent des personnages en devenir, pas encore complètement humains et déjà dans la transe d'un autre monde, le ralenti s'y taillant une belle part. Aussi, Dècina et ses superbes interprètes se font un grand cadeau mutuel. Avec quelques mercis de trop. Ce n'est pas la première fois qu'un chorégraphe se trouve en échec face au besoin de boucler la boucle. Et plus ça se relance, alors que la fin était logiquement amenée, et plus la magnificence se perd dans la redite.

Thomas Hahn
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