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Huà, un homme vivant face à un homme mort

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"Huà"
E.D., La Terrasse, octobre 2002

"Huà, un homme vivant face à un homme mort", tel est le titre sous forme de tableau explicite dont Paco Dècina trace les traits. Entre ces deux points d'ancrage, il explore le registre des métamorphoses humaines.

Le chorégraphe réalise à l'image de la langue chinoise, un raccourci chorégraphique entre le pictogramme et l'idéogramme. La forme de cette danse et son Élaboration ont une action pour ainsi dire magnétique, qui révèle une autre façon de penser, une autre façon d'appréhender le monde du sensible. L'écriture de Paco Dècina glisse vers son pourtour le plus habité et le plus inspiré, le corps du danseur est ce révélateur qui en interprétant les phases de la chorégraphie devient le support d'un vécu immédiat. Ce sont aussi ces métamorphoses constantes qui placent le corps au cœur d'un réseau, celui des possibles. Figurations, défigurations, transfigurations successives des états du corps mènent sur une bande-son inédite, vers l'idée du duo et vers l'image du couple.

E.D.
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"La métamorphose des corps comme justification de l'être"
Roland Duclos , La Montagne, 31 mars 2000

Le corps à l'épreuve de la résurrection et des ses transfigurations : Paco Dècina dessine les paradoxes de l'être et du néant dans ses radicales métamorphoses. Tout en laissant au spectateur une absolue liberté de lecture. Danser ne saurait se concevoir hors d'une inconditionnelle intransigeance.

De l'intention à la perception, il y a un monde. Et même des mondes. Entre le prétexte évoqué et l'émotion répercutée, entre ce que dit le chorégraphe et que vite le public, le territoire s'éprend d'imaginaire. Fertiles étendues que cultive le rêve, que féconde la pensée visionnaire. L'espace extravagant, habilité d'une gestuelle kaléidoscopique, proliférante, relève pourtant bien des prérogatives de l'auteur.

Mais c'est la mesure de son talent créateur d'en Étendre à l'infini les possibilités, d'en multiplier les entrées. Les dimensions de "Huà, un homme vivant face à un homme mort" (*) , échappe à la volonté de Paco Dècina tout en demeurant fidèles au prétexte premier : La permanence de l'énergie vitale dans la métamorphose de l'être. Le changement d'état n'influe en rien sur la continuité de sa réalité, insiste le danseur d'un bout à l'autre de son œuvre.

Le langage du corps sera infini à condition qu'il nous libère du signe et de ses limites didactiques. Car la contrainte Étouffe le sens. Trop d'écriture tue le verbe. Et le verbe n'opère vraiment la transmutations des états successifs de l'être que dans l'art du passage. La transsubstantiation du geste à l'image est alors accomplie. Et l'image appartient à celui qui la reçoit et se l'approprie.

L'extrême réussite de l'œuvre de Paco Dècina tient tout autant au refus obstiné de la démonstration qu'à son insistance à écrire l'absence de toute prétention devant notre propre présence au monde. De même il ne prétend se substituer à l'intangible, n'entend cerner ce que le mot ne sait définir. Cette notion d'immatérialité lui est prioritairement source ce vie, d'inspiration. "Huà", absolu dialogue entre mort et transfiguration, entre effacement et résurrection, ne veut donner un sens quelconque à l'existence.

Dècina n'explique rien, ne postule au moindre formalisme. Pour lui appartenir, ses codes néanmoins se reçoivent sur le mode de l'universel. Et ils n'atteignent à une pleine et entière intelligence que dans l'absolue et radicale indépendance de ton qui les inspire. L'écriture est continue, sans rupture, parfaitement calligraphiée par six danseurs possédés littéralement par l'intense fascination de cette syntaxe in conclusive, réitérative et paradoxalement toujours renouvelée, portee par la bande son exceptionnellement travaillée d'Olivier Renouf et Christian Calon.

Un discours en boucle qui va sans cesse s'élargissant jusqu'à cet inattendu antagonisme final des couples. Opposition qui n'est autre que le complémentaire principe des contraires. Ambivalence oh ! Combien féconde puisque porteuse de fruits… même si la question de leur destination ou de leurs destinataires reste entière.

(*) Une chorégraphie signée Paco Dècina, présentée par la Comédie de Clermont, ce soir encore à 20 heures à la Maison des Congrès.

Roland Duclos
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